Le touriste, change de costume. Exit le bronzeur professionnel, voici venir le chercheur d'or culturel.Voici le virage du « Sea, Sense and Soul », plutôt que « Sea, Sand & Sun » et nous avons intérêt à ne pas le rater ! Disons-le sans détour : nous avons trop longtemps vendu Maurice comme une simple destination balnéaire. Cette vision réductrice a certes permis le développement d'une industrie touristique florissante, mais elle a aussi occulté ce qui fait notre véritable singularité : notre extraordinaire diversité culturelle. Madagascar, les Seychelles et les Maldives ne peuvent pas lutter.
Parcourez nos villes et villages. Observez nos demeures coloniales qui tombent en ruine, nos temples ancestraux qui se dégradent, nos sites historiques laissés à l'abandon, dégradés ou immolés sur l’autel du Dieu béton. C'est tout un pan de notre mémoire collective qui s'effrite sous nos yeux, pendant que nous continuons à miser sur le sempiternel "sea, sand, and sun".
Le Port-Louis que j'ai connu dans ma jeunesse regorgeait de trésors architecturaux. Aujourd'hui, combien de ces joyaux subsistent encore ? La capitale pourrait être notre Cartagène des Caraïbes, notre Pondichéry de l'océan Indien. Au lieu de cela, nous assistons, impuissants, à sa lente décrépitude.
Les chiffres sont pourtant éloquents. Le tourisme culturel représente aujourd'hui près de 40% du tourisme mondial. Ces voyageurs dépensent en moyenne 30% de plus que les touristes traditionnels. Ils séjournent plus longtemps, s'aventurent hors des sentiers battus, et surtout, reviennent plus souvent.
Nos voisins des Seychelles l'ont bien compris, eux qui ont fait du "patrimoine créole" un axe majeur de leur stratégie touristique. La Réunion, avec ses "Villages Créoles", a également su capitaliser sur son identité culturelle. Le Festival International Kreol et la reconnaissance de la révolte de d’Anna de Bengal sont des pas dans la bonne direction.L’île Maurice vient, encore une fois, de démontrer sa diversité avec la célébration du Nouvel An Chinois et s’apprête à plonger dans le Cavadee et le Maha Shivaratree.
Le développement du tourisme culturel n'est pas qu'une question économique. C'est avant tout un projet de société qui nous oblige à nous interroger sur ce que nous sommes et ce que nous voulons transmettre.
Il est temps d'agir. Nous pourrions commencer sur 4 axes :
Créer un fonds spécial pour la restauration du patrimoine bâti, financé par une taxe modique sur les nuitées hôtelières.
Former une nouvelle génération de guides culturels, véritables ambassadeurs de notre histoire.
Développer des circuits thématiques autour de notre patrimoine religieux, culinaire et artistique.
Instituer des "zones de préservation culturelle" avec des avantages fiscaux pour les propriétaires qui restaurent leur bien.
Le temps presse. Chaque année qui passe voit disparaître un peu plus de notre patrimoine. Les jeunes générations, si nous n'y prenons garde, grandiront dans une île sans mémoire, une destination touristique comme tant d'autres.
Le tourisme culturel n'est pas une option, c'est une nécessité. C'est le moyen de réconcilier développement économique et préservation de notre identité. C'est aussi, et surtout, une façon de nous réapproprier notre histoire et d'en faire un atout pour l'avenir.
À dix heures des capitales européennes, l'île n'est plus ce point sur la carte où l'on vient se mettre au vert - ou plutôt au bleu. Elle est devenue ce lieu où le tourisme se conjugue au pluriel, où les visiteurs ne font plus chambre à part avec la culture locale. Un miracle ? Non, juste Maurice qui fait son miel de toutes ses fleurs.
Les nouveaux circuits touristiques doivent désormais dessiner une géographie plus riche, où chaque étape est une page d'histoire, chaque rencontre un chapitre nouveau. De quoi donner du grain à moudre aux moulins de l'authenticité.
Le combat pour la préservation de notre patrimoine est le combat de tous les Mauriciens. Le partager au monde, un devoir. Il est encore temps d'agir. Demain, il sera trop tard.
Jean-Joseph PERMAL