Les chiffres racontent une révolution silencieuse : 903 000 visiteurs de janvier à août contre 869 000 l'année précédente, générant Rs 55 milliards de recettes. Derrière cette comptabilité sage se cache une stratégie patiente. Quand l'Europe boude ses lagons hivernaux, Maurice courtise l'Inde et ses nouveaux riches, l'Afrique et ses classes moyennes émergentes. La récente visite de Navin Ramgoolam à New Delhi scelle cette diplomatie du sourire.
Plus finement, l'île a réinventé son offre. Fini le temps des plages comme argument unique. Maurice séduit désormais par l'écotourisme, le patrimoine créole, la gastronomie fusion. Autant de cordes à un arc qui ne vise plus une seule cible.
Dès octobre, une taxe de séjour de trois euros testera cette nouvelle attractivité. Pari audacieux : l'île se croit-elle assez désirable pour supporter ce supplément ? La réponse dira si Maurice a vraiment changé de catégorie.
Car derrière l'embellie se profile un défi plus redoutable : celui de la mesure. Avec ses 2 040 kilomètres carrés, comment grandir sans se perdre ? Maurice marche sur le fil ténu qui sépare épanouissement et saturation.
L'expérience mauricienne dessine les contours d'un tourisme renouvelé. Elle prouve qu'une destination peut échapper à la tyrannie du calendrier par la seule force de sa volonté d'innovation. Dans un monde où les géants peinent à renouveler leurs recettes, Maurice trace une voie singulière : celle de l'agilité créatrice.
L'archipel illustre une recomposition silencieuse de la géographie touristique mondiale. Face aux mastodontes saturés, émergent ces destinations "troisième voie" qui compensent leur modestie par une intelligence stratégique supérieure. Maurice a compris que dans le grand jeu contemporain, mieux vaut être un diamant discret qu'un géant fatigué.
L'île prouve que parfois, pour changer de destin, il suffit de changer de regard. Elle qui était condamnée à la saisonnalité a inventé l'éternel été.
Jean-Joseph Permal