Loin des manifestes militants, l'auteur privilégie l'introspection lucide, interrogeant ce moment où l'enfant refuse le pèlerinage de Maha Shivaratri et provoque, sans le vouloir, une fracture irréversible. Dans cette île Maurice multiconfessionnelle où le calendrier épouse le rythme des grandes célébrations religieuses, la question de l'appartenance se pose avec une acuité particulière. Monebhurrun ne cherche pas à apporter des réponses définitives, mais à comprendre, par le prisme de la littérature, ce qui constitue la « mauricianité ». Un récit qui questionne autant qu'il éclaire, dans la lignée des plus belles enquêtes identitaires contemporaines.
« J'avais dix ans quand je découvris que je n'étais plus hindou. » Cette phrase liminaire résonne comme une confession. Nitish Monebhurrun, chercheur en droit international établi à Brasília, revient sur cet instant fondateur qui marqua sa rupture avec l'hindouisme familial. L'épisode devient, sous sa plume, le point de départ d'une réflexion plus vaste sur l'identité mauricienne, cette construction fragile tissée de traditions religieuses et d'aspirations individuelles.
Ce qui frappe dans « L'archipel en moi », c'est la distance que l'auteur maintient avec son sujet. Nulle complaisance victimaire. Monebhurrun écrit en observateur de sa propre vie, privilégiant la nuance et l'acceptation de la complexité. Formé au Brésil, polyglotte et nomade intellectuel, il applique à Maurice ce regard d'ethnologue qui enrichit sa réflexion.
À Maurice, la religion structure le social, organise le temps, définit l'appartenance. Dans ce contexte multiconfessionnel, le refus d'un enfant interroge le rapport de la société à la liberté de conscience. Après « Face au tableau noir » et « Kaya est mort ! », ce troisième opus poursuit une cartographie sensible d'une société en mutation.
« La littérature se doit de poser un diagnostic — si possible, avec de belles lettres », explique l'auteur. Son récit, empreint d'authenticité, témoigne d'une expérience singulière tout en ouvrant sur l'universel : comment se construire quand les injonctions communautaires contredisent l'aspiration à être soi ?
Publié aux Éditions VIZAVI avec une couverture de Joëlle Rosalie Baya, « L'archipel en moi » s'inscrit dans un paysage littéraire mauricien en effervescence. Non pas une réponse, mais une invitation au dialogue et à la reconnaissance de nos propres archipels intérieurs.
« L'archipel en moi », Nitish Monebhurrun, Éditions VIZAVI, 100 pages, 430 roupies mauriciennes. Disponible en librairies et supermarchés à Maurice.