Sur les hauteurs d'Henrietta, dans l'écrin végétal de la réserve de Mondrain, un geste patient et méticuleux se répète. Un spécialiste de la conservation noue délicatement un sachet de tissu respirant autour d'une panicule fructifère, protégeant ainsi les précieux fruits d'un arbre dont l'existence même tient du miracle botanique.
Cette technique ancestrale, baptisée « ensachage », consiste à envelopper les grappes de fruits dans un filet à mailles fines. Le procédé, d'une simplicité désarmante, constitue pourtant un rempart essentiel contre les insectes ravageurs, les prédateurs opportunistes et les aléas climatiques qui menacent chaque récolte. Lorsque les fruits parviendront à maturité et se détacheront naturellement, ils seront recueillis dans cette poche protectrice, prêts à livrer leurs graines aux soins attentifs des pépiniéristes.
Car avec trois arbres pour seuls représentants de l'espèce sur la planète entière, le Syzygium pyneei — connu localement sous le nom de bois de pomme — incarne l'urgence absolue de la conservation végétale. Chaque graine devient alors un trésor inestimable. Celles issues de l'ensachage présentent d'ailleurs une viabilité supérieure, épargnées qu'elles sont des attaques d'insectes et des dommages animaux. Cultivées ensuite dans les conditions contrôlées d'une pépinière, elles offrent l'espoir ténu de reconstituer progressivement une population viable de cette espèce endémique mauricienne.
La réserve de Mondrain, sanctuaire majeur de la flore indigène de l'île, appartient au domaine sucrier de Medine et se trouve gérée par la Mauritian Wildlife Foundation dans le cadre d'un bail de longue durée. Ce havre de biodiversité, qui a bénéficié d'importants travaux de restauration au fil des années, vient de voir sa superficie doubler grâce à l'adjonction de cinq hectares supplémentaires, autrefois dévolus au pâturage des cerfs. Cette extension herbeuse, tout comme la forêt originelle, fait désormais l'objet d'un ambitieux programme de réhabilitation écologique financé par l'Union européenne.