Parce que ces atouts, autrefois rares, sont désormais concurrencés. L'accueil chaleureux — et véritablement dédié à répondre aux besoins du client — n'apparaît plus que par à-coups, si l'on a la chance de tomber sur la bonne personne. On nous pardonne encore beaucoup de faux pas, et nous avons la chance d'être encore portés par la beauté de nos plages et le souvenir de cet « accueil mauricien »... osons le dire : il n'est plus tout à fait le même. Mais de nouveaux acteurs sont venus perturber cette ancienne idylle. Serions-nous en perte de vitesse, tentant de sauver une vitrine ? Les voyageurs d'aujourd'hui veulent plus : du sens, de la cohérence, de l'engagement.
Maurice, de son côté, a toujours su attirer une clientèle haut de gamme. Mais il serait précipité de proclamer que notre hospitalité est déjà synonyme de luxe. Nous la convoitons, certes, car le luxe a changé de visage : nous sommes passés d'un luxe ostentatoire à un luxe émotionnel, expérientiel, profondément individualisé — un luxe qui touche à l'être, et non plus seulement à l'avoir. Il se traduit par un art de vivre, une capacité à prendre soin de l'autre, à offrir une expérience incarnée, qui a du sens et laisse une empreinte. Mais pour le mériter, il reste un travail de fond à mener.
Il s'agit désormais de faire émerger une identité sincère et respectueuse, en résonance avec ce que les voyageurs d'aujourd'hui attendent d'un séjour porteur de sens : • De l'authenticité, enracinée dans la culture locale, loin des formats standardisés ; • Une responsabilité environnementale visible, cohérente et engagée ; • Le respect et l'équité sociale, y compris envers les collaborateurs ; • Une attention bienveillante et personnalisée, véritable signature du luxe relationnel ; • Et enfin, une transparence sincère, où les engagements sont incarnés, pas seulement affichés.
Le voyageur attend aussi d'être nourri d'une richesse et d'une transmission culturelles, d'une fierté d'être mauricien et d'une analyse identitaire qui inspire la création et suscite l'admiration. Il ne vient pas seulement pour consommer un produit hôtelier, mais pour rencontrer une île vivante, consciente de son héritage et capable de le partager avec justesse.
Le luxe, désormais, ne se résume plus à une promesse de confort, ni au triptyque « sea, sun & sand ». Il se vit dans l'écosystème relationnel du séjour — dans l'expérience vécue par le client, bien sûr, mais aussi dans la manière dont les équipes sont formées, considérées, et valorisées.
Cet accueil mauricien a porté notre hospitalité au firmament des destinations convoitées, grâce à une alchimie unique entre professionnalisme et chaleur humaine.
Mais aujourd'hui, une fissure s'élargit.
Comme l'a justement souligné le Junior Minister du Tourisme, M. Sydney Pierre, l'afflux de travailleurs étrangers dans nos hôtels ne reflète plus ce que le voyageur vient chercher ici : l'ADN de l'hospitalité mauricienne. Cette hospitalité faite d'authenticité, de générosité, d'émotion sincère.
Je comprends bien sûr l'urgence : face à une carence croissante de main-d'œuvre locale, les hôteliers doivent panser une plaie qui saigne. Il ne s'agit pas ici de pointer du doigt, mais d'ouvrir un espace de lucidité, d'écoute et de co-responsabilité pour mieux décider ensemble de ce que nous voulons laisser comme héritage. Mais il est temps d'oser nommer les causes profondes du désengagement de la ressource mauricienne. Car si cette ressource s'éloigne, ce n'est pas par caprice.
La première vérité, chuchotée dans les couloirs, et jamais vraiment traitée de front, c'est celle-ci : les salaires. Comme dirait l'autre, « mettons l'église au milieu du village ». À quoi bon parler de fierté d'appartenance ou d'excellence relationnelle quand les conditions économiques ne permettent pas de vivre dignement, ni de se projeter ?
La seconde, tout aussi préoccupante, est l'effondrement du leadership inspirant. Trop de managers ne sont plus des modèles. Loin d'être des mentors, ils peinent à incarner une vision. Le dialogue intergénérationnel se délite. On entend souvent : « Les jeunes ne veulent plus travailler... » — mais veut-on encore vraiment les inspirer ?
Je ne nie pas certaines formes de désengagement des jeunes — et osons le dire, des moins jeunes également. Mais si nous voulons réancrer une dynamique d'avenir, alors il est urgent de reconstruire une vision commune. Redonner du sens au projet professionnel. Créer un récit d'ambition collective.
Pourquoi tant de nos compatriotes cherchent-ils à s'accomplir au-delà de nos frontières ? Parce que nous avons laissé s'éroder le sens, les repères, et la confiance.
Cela commence très tôt. Chaque acteur-éducateur a sa responsabilité : les parents, les enseignants, les recruteurs, les managers... les dirigeants. Nous ne pouvons plus attendre. Il nous faut :
Repenser la formation autour du savoir-être, en lien avec les standards d'excellence attendus à l'international. Il ne s'agit plus de former pour exécuter, mais d'éduquer à une posture, à une mentalité de construction sur le long terme. Sortir de l'instantané, de la gratification immédiate, pour cultiver l'envie d'investir dans son propre parcours, et marquer durablement par sa valeur ajoutée.
Réintroduire les valeurs de responsabilité, d'engagement et d'intelligence collective : avancer intelligemment, en mobilisant toutes les ressources humaines, culturelles et environnementales avec respect et lucidité. Car on ne construit pas un modèle durable en vidant ou en dénaturant la ressource : on la fait grandir, on la respecte, on la valorise. Cela passe aussi par une éducation à l'éthique écologique au quotidien : intégrer des pratiques anti-gaspillage, le recyclage actif, et encourager des politiques écologiques et sociales fortes. Garantir à ses collaborateurs un accès à la formation continue et à des perspectives d'évolution, incarnant pleinement cette responsabilité.
Travailler main dans la main avec les écoles hôtelières pour que le diplôme ne soit pas un simple bout de papier, mais un passeport vers le service d'excellence, la croissance, l'authenticité et la responsabilité personnelle.
Former à l'élégance du geste et à la maturité de la posture, à travers un management de croissance, profondément valorisant, inspirant et responsabilisant.
L'élévation de la posture doit s'opérer à tous les niveaux de l'établissement : plus on monte dans la hiérarchie, plus on a le devoir d'élever ceux qui nous entourent. Chaque manager devrait incarner cette mission : aspirer les autres à donner le meilleur d'eux-mêmes, à grandir, à se projeter, à construire un parcours riche de sens et de reconnaissance.
Car chaque carrière dans l'hôtellerie peut devenir une source de valeur ajoutée, de dynamisme collectif, et un socle solide pour faire rayonner Maurice au niveau international. Mais pour cela, il faut sortir des schémas répétitifs. Le sourire ne suffit plus. Le voyageur exige aujourd'hui du contenu, de la substance, de la création, de la proactivité, de l'analyse, et un vrai engagement personnel. Il attend de rencontrer des personnes qui pensent, qui ressentent, qui agissent avec cette forte intention de répondre de la version la plus juste à ses attentes et besoins. C'est donc tout un écosystème qui doit s'ouvrir à la réflexion, à l'évolution, à une culture du sens, sans pour autant tomber dans le copier-coller d'autres modèles.
Maurice regorge de professionnels passionnés, prêts à relever le défi. Encore faut-il leur donner les moyens de le faire. Nous devons réintroduire la notion de mission citoyenne dans notre vision du tourisme. Car ce n'est pas seulement une affaire économique, c'est une affaire de transmission.
Nous cherchons des mentors. Nous avons besoin d'exemples. Et nous avons le devoir de réveiller l'envie de contribuer à une œuvre collective.
Les salles de classe ne doivent pas être des lieux de récitation, mais des laboratoires d'engagement. Le service client d'excellence doit y être semé très tôt : son état d'esprit, son exigence, son ADN relationnel doivent devenir des repères éducatifs dès le plus jeune âge. Les entreprises ne doivent pas être des machines à produire, mais des espaces de croissance.
C'est à ce prix que l'hospitalité mauricienne pourra retrouver son âme. Et avec elle, notre place dans l'imaginaire du voyageur du monde.
Mais il est peut-être temps de se poser une autre question, plus intime, plus dérangeante : Le luxe – cette mise en scène du soin de l'autre – l'avons-nous seulement vécu entre nous ? L'hospitalité, avant d'être un service, est une posture, un lien humain, un acte de présence. Or comment transmettre ce que nous n'avons jamais pleinement expérimenté ? Comment incarner l'élégance relationnelle, si notre propre culture professionnelle n'a jamais valorisé le respect, la reconnaissance, la transmission ?
Le luxe ne s'improvise pas. Il se vit d'abord en interne, dans la manière dont nous traitons nos collaborateurs, nos collègues, nos équipes.
Ce n'est qu'en recréant ces espaces de respect mutuel, de mentorat sincère, et de fierté territoriale — et en permettant à chacun de contribuer activement aux solutions pour les enjeux sociétaux et les défis du pays — que nous pourrons retrouver la densité culturelle que le luxe exige : un luxe ancré dans le temps long, la mémoire collective, et le soin du détail qui fait lien.
Comme le rappelle Bernard Arnault, PDG du groupe LVMH : « Je dis souvent à mon équipe que nous devons nous comporter comme si nous faisions partie d'une petite entreprise. Allez sur le terrain avec le client ou avec les concepteurs pendant qu'ils travaillent. Je visite les magasins chaque semaine. Je discute toujours avec les employés. » Et il ajoute : « On doit comprendre la réalité, le monde des consommateurs, et les attentes des clients. Il faut aller les voir. »
Ces paroles résonnent à Maurice comme un appel : retissons le lien avec une hospitalité pensée, humble, et prête à se déconstruire pour mieux renaître dans une démarche d'engagement citoyen. Et commençons par le vivre chez nous, entre nous. Allons rechercher la pépite de service et façonnons-la ensemble, avec humilité, et avec une vraie volonté de création collective.
Virginie Dacruz
https://www.linkedin.com/in/virginie-dacruz/
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A l’île Maurice, où se dessinent les contours d'une économie moderne en quête de reconnaissance internationale, une femme incarne cette ambition d'excellence : Virginie Dacruz. Fondatrice de VD Corporate Training & Coaching, cette professionnelle du développement humain s'est donnée une mission aussi noble qu'ambitieuse : hisser les standards mauriciens au niveau des exigences globales.
À la tête de son cabinet, Virginie Dacruz ne se contente pas de dispenser des formations conventionnelles. Elle orchestre une véritable métamorphose des pratiques managériales, naviguant avec finesse dans l'univers complexe du leadership multiculturel. Son approche, résolument tournée vers le XXIe siècle, transcende les méthodes traditionnelles pour embrasser une vision holistique du développement professionnel.
Cette Maurice cosmopolite, carrefour des cultures et laboratoire naturel de la diversité, trouve en elle une interprète de choix. Car si l'île offre un terreau fertile à l'innovation, elle exige également une maîtrise particulière des codes internationaux – défi que relève quotidiennement cette experte en communication interculturelle.
Les témoignages affluent de Montréal à Port-Louis, attestant d'une expertise reconnue bien au-delà des rivages mauriciens. Jim Besnard, Directeur des Opérations Globales chez Shortkut, ne tarit pas d'éloges sur cette "femme dotée d'une intelligence au-dessus de la moyenne", soulignant sa capacité à transformer les équipes par son charisme et son sens pédagogique exceptionnel.
L'excellence comme philosophie
Dans un monde entrepreneurial en perpétuelle mutation, Virginie Dacruz prône une philosophie de l'amélioration continue, où l'excellence n'est pas un aboutissement mais un chemin. Ses programmes, agréés par la Mauritius Qualifications Authority, conjuguent rigueur académique et pragmatisme opérationnel, formant une nouvelle génération de leaders conscients et responsables.
Entre tradition et modernité, cette ambassadrice du talent mauricien dessine les contours d'un avenir où l'île Maurice ne se contente plus de suivre les standards internationaux, mais contribue à les redéfinir. Elle est la première invitée de notre rubrique "Carte Blanche".