Car si l'île Maurice s'impose aujourd'hui comme une destination de rêve aux quatre coins de la planète, c'est aussi grâce à cette armée silencieuse de professionnelles qui, jour après jour, tissent la toile de notre excellence. Femmes de chambre, sommelières, directrices d'établissement, artisanes, photographes ou encore spécialistes du marketing digital : elles incarnent la diversité et la richesse de notre secteur-phare.
Cette nouvelle rubrique hebdomadaire se propose de lever le voile sur ces parcours singuliers, ces réussites inspirantes et ces contributions remarquables qui font vibrer le cœur battant du tourisme mauricien. Un hommage nécessaire à celles qui, avec talent et détermination, écrivent chaque jour une nouvelle page de notre histoire touristique.
Dans l'écrin turquoise de l'océan Indien, l'île Maurice dévoile ses charmes à travers le regard passionné d'une femme singulière. Loin des sentiers battus du tourisme de masse, une entrepreneure mauricienne d'origine taïwanaise a fait de cette perle son terrain de jeu professionnel et son laboratoire culturel. Fondatrice de Dynasty Tours, Cindy Koon incarne cette nouvelle génération d'acteurs du voyage qui privilégient l'authenticité à la standardisation, la rencontre humaine au simple dépaysement.
Son parcours ? Rien de conventionnel. Comptable puis banquière avant de devenir passeuse d'émotions touristiques, elle illustre parfaitement cette capacité qu'ont certains êtres à réinventer leur destin professionnel en suivant une intuition plus forte que toute planification de carrière. Entre Port-Louis et Taipei, entre tradition créole et modernité asiatique, elle tisse des liens invisibles qui transforment chaque voyage en odyssée personnelle.
Dans cette interview exclusive, elle nous livre les ressorts intimes de sa vocation tardive, ses combats d'entrepreneuse dans un secteur encore largement masculin, et sa vision d'un tourisme qui réconcilie découverte et respect, profit et éthique. Rencontre avec une femme qui a fait de la différence culturelle un pont plutôt qu'un mur.
En quoi consiste votre travail ?
En tant que fondatrice de Dynasty Tours, je conçois et dirige personnellement des visites privées immersives, principalement pour le marché asiatique. Cependant, je ne considère pas vraiment cela comme un travail — c'est une mission de vie que j'ai choisie avec mon cœur. Avec des racines à la fois à Maurice et à Taïwan, je porte deux cultures en moi. Et à travers chaque visite, j'essaie de les tisser ensemble — offrant non seulement un voyage, mais un pont entre les mondes. Ce que je fais va bien au-delà des itinéraires. Il s'agit de moments qui vous marquent — un repas partagé avec une famille locale, le parfum des épices dans un marché caché, l'émerveillement silencieux de se tenir quelque part de beau et de se sentir vu. Ce n'est pas du travail pour moi — c'est de la narration, de la connexion, et la façon la plus intime que je connaisse de dire : c'est chez moi, laissez-moi vous montrer pourquoi je l'aime.
Pourquoi avez-vous choisi le tourisme et quel est votre parcours professionnel ?
Pour être honnête, je n'ai pas choisi le tourisme — le destin me l'a apporté. Je n'ai jamais étudié l'hôtellerie ni rêvé d'être dans ce domaine. Mon parcours en est en fait très éloigné : j'ai commencé comme comptable, puis j'ai travaillé comme banquière, et plus tard je suis devenue entrepreneure dans d'autres secteurs. Mais en cours de route, les gens ont commencé à venir me voir pour des conseils sur Maurice — où aller, que voir, comment se sentir chez soi ici. Finalement, une demande s'est transformée en visite, et cette visite s'est transformée en vocation. J'ai réalisé que ce que j'aime le plus, c'est la connexion — aider les autres à découvrir cette île d'une manière qui soit personnelle et authentique. Le tourisme est devenu le langage dont j'ignorais que j'étais fluente. Il combine tout ce que j'ai toujours fait : structure, intuition, sens des affaires, et surtout — le cœur.
Quelles difficultés rencontrez-vous dans l'exercice de votre profession ?
L'un des plus grands défis est que Maurice est encore relativement méconnue dans le monde asiatique. Contrairement aux destinations comme Bali ou Phuket, cela ne sonne pas immédiatement familier — donc chaque visite que je conçois, chaque client que j'atteins, commence souvent par de l'éducation et de la narration à partir de zéro. Il faut beaucoup d'efforts, de créativité et de ressources personnelles pour construire cette sensibilisation. Je n'ai pas une grande équipe marketing derrière moi — j'ai dû faire la plupart du travail seule : construire la confiance, créer du contenu, gérer les demandes, et montrer aux gens pourquoi Maurice vaut la peine d'être découverte. Mais je crois en cette île, et je crois au type de voyage que j'offre — donc même si c'est une montée difficile, je la gravis avec enthousiasme.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui voudrait avoir la même carrière que vous ?
Ne vendez pas seulement une destination — vivez-la, aimez-la, et invitez les autres dans votre monde. Cette carrière ne consiste pas à cocher des monuments ; il s'agit de créer des connexions significatives. Apprenez à écouter plus que vous ne parlez — les expériences les plus mémorables viennent souvent de la compréhension de ce que les autres cherchent vraiment.
Et surtout, protégez votre énergie. C'est un chemin centré sur les gens. Pour être pleinement présent pour les autres, vous devez rester ancré, alimenté et inspiré vous-même.
Pensez-vous que le rôle des femmes est suffisamment valorisé dans le tourisme ?
Pas encore — pas complètement. Les femmes sont souvent très visibles dans les rôles opérationnels et d'hospitalité, mais encore sous-représentées comme décideuses, stratèges ou visionnaires dans le tourisme. Le narratif évolue. Plus de femmes se lèvent, revendiquent leur place, et redéfinissent à quoi ressemble le leadership dans le tourisme. Mais il y a encore du travail à faire. Je vois à quel point souvent les femmes détiennent la connaissance culturelle, l'intelligence émotionnelle et le pouvoir de narration, mais elles restent dans l'ombre. Valoriser les femmes signifie non seulement les voir, mais les écouter, investir en elles, et les laisser diriger.
Avez-vous l'impression de devoir faire deux fois plus qu'un homme pour vous imposer dans votre profession ?
Pas vraiment. Je ne pense pas avoir besoin de travailler plus dur juste parce que je suis une femme. Ce que j'ai appris, c'est que je dois travailler plus intelligemment, rester ferme dans ma valeur, et laisser mes résultats parler. En travaillant à travers Maurice et le marché asiatique, j'ai aussi vu combien de biais culturels existent encore — subtils, mais réels. Dans des environnements dominés par les hommes, parfois le silence, la présence et les résultats parlent plus fort que l'ego. Et j'accepte cela. Je ne suis pas là pour crier, je suis là pour construire.
Comment arrivez-vous à concilier votre travail avec votre rôle de femme ?
Je ne crois pas à la séparation des deux. Être une femme n'est pas quelque chose que je mets de côté quand je travaille, c'est une partie de la façon dont je travaille. Cela me donne de l'empathie, de l'intuition, et une force qui est silencieuse mais inébranlable. Je dirige avec le cœur, mais aussi avec clarté. J'ai appris à protéger mon énergie par l'auto-soin, à établir des limites saines, et à rester profondément connectée à ce qui m'alimente, pas seulement professionnellement, mais émotionnellement aussi. Il ne s'agit pas vraiment d'équilibre, il s'agit d'intégration. Et c'est de là que vient ma force.
Avez-vous un modèle (local ou international) ?
Je n'ai pas vraiment de modèles au sens traditionnel. Mais si je devais nommer quelqu'un qui m'a profondément influencée, ce serait ma mère. Elle dirige une grande usine textile à Maurice avec une force et un calme incroyables. La regarder naviguer dans les défis avec à la fois force et douceur a façonné ma façon de diriger aujourd'hui.
Quelles sont vos passions ?
Je suis passionnée par les voyages pour découvrir les cultures et me connecter avec les gens. C'est ainsi que j'apprends, grandis et reste inspirée. Je crois que le voyage ne concerne pas seulement les lieux, mais les histoires que nous portons et les gens que nous rencontrons en chemin. C'est pourquoi j'aime aussi la narration, la culture culinaire et la préservation du patrimoine.
Gourmande ou gourmet ?
Les deux ! J'aime explorer les saveurs, surtout la nourriture de rue qui raconte une histoire. Mais je suis aussi passionnée par l'équilibre, surtout avec mon background de nutritionniste.
Quelle a été, pour vous, la plus grande avancée féminine des 10 dernières années ?
Les femmes qui revendiquent leur voix — que ce soit par l'entrepreneuriat, la politique ou les réseaux sociaux. Nous voyons plus de femmes prendre leur place sans s'excuser, et c'est puissant.
Quelle est la place du sport dans votre vie ?
Le mouvement est essentiel pour moi — mentalement et physiquement. Je ne vais peut-être pas à la salle de sport tous les jours, mais je marche beaucoup, surtout pendant mes visites, et j'aime les activités en plein air qui me connectent à la nature.
Le dernier livre que vous avez lu ?
Self-Alignment - ways to adaptation and self-acceptance (Auto-alignement - moyens d'adaptation et d'acceptation de soi). Il s'agit d'apprendre à ralentir, lâcher prise du chaos intérieur, et embrasser la vie avec calme et clarté. Ce livre sert d'encouragement silencieux, ne me poussant pas à devenir meilleure, mais à être plus en paix avec qui je suis déjà.
Quel est l'endroit que vous préférez le plus à Maurice ?
L'un de mes endroits préférés à Maurice est le Marché Central de Port-Louis. C'est un mélange vibrant de couleurs, d'odeurs, de sons — et de la vie elle-même. Des produits frais et épices aux objets artisanaux et collations de rue, chaque coin raconte une histoire. J'aime la façon dont il capture le véritable esprit de Maurice : multiculturel, chaleureux, et plein de caractère. C'est là où les locaux font leurs courses, les touristes se promènent, et des conversations inattendues se produisent. Pour moi, ce n'est pas seulement un marché — c'est le battement de cœur de l'île.
Behind every welcoming smile, every carefully set table, every perfectly organized excursion, lie exceptional women. From the receptionist who lights up a hotel lobby to passionate guides who reveal the island's hidden treasures, from Creole cooks who perpetuate authentic flavors to visionary entrepreneurs who reinvent Mauritian hospitality, they are the invisible architects of our global tourism reputation.
For if Mauritius asserts itself today as a dream destination to the four corners of the planet, it is also thanks to this silent army of professionals who, day after day, weave the web of our excellence. Chambermaids, sommeliers, establishment directors, artisans, photographers or digital marketing specialists: they embody the diversity and richness of our flagship sector.
This new weekly column proposes to lift the veil on these singular journeys, these inspiring successes and these remarkable contributions that make the beating heart of Mauritian tourism vibrate. A necessary tribute to those who, with talent and determination, write a new page of our tourist history every day.
In the turquoise setting of the Indian Ocean, Mauritius reveals its charms through the passionate gaze of a singular woman. Far from the beaten paths of mass tourism, a Mauritian entrepreneur of Taiwanese origin has made this pearl her professional playground and cultural laboratory. Founder of Dynasty Tours, Cindy Koon embodies this new generation of travel actors who favor authenticity over standardization, human encounter over simple escapism.
Her path? Nothing conventional. Accountant then banker before becoming a purveyor of tourist emotions, she perfectly illustrates this capacity that certain beings have to reinvent their professional destiny by following an intuition stronger than any career planning. Between Port-Louis and Taipei, between Creole tradition and Asian modernity, she weaves invisible links that transform each journey into a personal odyssey.
In this exclusive interview, she reveals the intimate motivations of her late vocation, her struggles as an entrepreneur in a still largely male sector, and her vision of tourism that reconciles discovery and respect, profit and ethics. Meet a woman who has made cultural difference a bridge rather than a wall.
1. What does your work consist of? As the founder of Dynasty Tours, I design and personally lead immersive private tours, primarily for the Asian market. However, I don't really consider this as work — it's a life mission I chose with my heart. With roots in both Mauritius and Taiwan, I carry two cultures within me. And through each visit, I try to weave them together — offering not just a trip, but a bridge between worlds. What I do goes far beyond itineraries. It's about moments that mark you — a meal shared with a local family, the scent of spices in a hidden market, the silent wonder of standing somewhere beautiful and feeling seen. This isn't work for me — it's storytelling, connection, and the most intimate way I know to say: this is home, let me show you why I love it.
2. Why did you choose tourism and what is your professional background? To be honest, I didn't choose tourism — fate brought it to me. I never studied hospitality nor dreamed of being in this field. My background is actually very far from it: I started as an accountant, then worked as a banker, and later became an entrepreneur in other sectors. But along the way, people started coming to me for advice about Mauritius — where to go, what to see, how to feel at home here. Eventually, one request turned into a visit, and that visit turned into a vocation. I realized that what I love most is connection — helping others discover this island in a way that's personal and authentic. Tourism became the language I didn't know I was fluent in. It combines everything I've always done: structure, intuition, business sense, and above all — heart.
3. What difficulties do you encounter in your profession? One of the biggest challenges is that Mauritius is still relatively unknown in the Asian world. Unlike destinations like Bali or Phuket, it doesn't immediately ring familiar — so every visit I design, every client I reach, often starts with education and storytelling from scratch. It takes a lot of effort, creativity, and personal resources to build this awareness. I don't have a big marketing team behind me — I've had to do most of the work alone: building trust, creating content, managing inquiries, and showing people why Mauritius is worth discovering. But I believe in this island, and I believe in the type of travel I offer — so even if it's an uphill climb, I climb it with enthusiasm.
4. What advice would you give to someone who wants to have the same career as you? Don't just sell a destination — live it, love it, and invite others into your world. This career isn't about checking off monuments; it's about creating meaningful connections. Learn to listen more than you speak — the most memorable experiences often come from understanding what others are truly seeking.
And above all, protect your energy. This is a people-centered path. To be fully present for others, you must stay grounded, nourished, and inspired yourself.
5. Do you think women's role is sufficiently valued in tourism? Not yet — not completely. Women are often very visible in operational and hospitality roles, but still underrepresented as decision-makers, strategists, or visionaries in tourism. The narrative is evolving. More women are standing up, claiming their place, and redefining what leadership looks like in tourism. But there's still work to be done. I see how often women hold the cultural knowledge, emotional intelligence, and storytelling power, but they remain in the shadows. Valuing women means not just seeing them, but listening to them, investing in them, and letting them lead.
6. Do you feel you have to do twice as much as a man to establish yourself in your profession? Not really. I don't think I need to work harder just because I'm a woman. What I've learned is that I need to work smarter, stay firm in my value, and let my results speak. Working across Mauritius and the Asian market, I've also seen how many cultural biases still exist — subtle, but real. In male-dominated environments, sometimes silence, presence, and results speak louder than ego. And I embrace that. I'm not here to shout, I'm here to build.
7. How do you manage to balance your work with your role as a woman? I don't believe in separating the two. Being a woman isn't something I set aside when I work, it's part of how I work. It gives me empathy, intuition, and a strength that is silent but unshakeable. I lead with heart, but also with clarity. I've learned to protect my energy through self-care, to establish healthy boundaries, and to stay deeply connected to what nourishes me, not just professionally, but emotionally too. It's not really about balance, it's about integration. And that's where my strength comes from.
8. Do you have a role model (local or international)? I don't really have role models in the traditional sense. But if I had to name someone who has deeply influenced me, it would be my mother. She runs a large textile factory in Mauritius with incredible strength and calm. Watching her navigate challenges with both strength and gentleness has shaped how I lead today.
9. What are your passions? I'm passionate about traveling to discover cultures and connect with people. That's how I learn, grow, and stay inspired. I believe travel isn't just about places, but about the stories we carry and the people we meet along the way. That's why I also love storytelling, culinary culture, and heritage preservation.
10. Gourmand or gourmet? Both! I love exploring flavors, especially street food that tells a story. But I'm also passionate about balance, especially with my background as a nutritionist.
11. What has been, for you, the greatest feminine advancement of the last 10 years? Women claiming their voice — whether through entrepreneurship, politics, or social media. We're seeing more women take their place without apologizing, and that's powerful.
12. What is the place of sport in your life? Movement is essential for me — mentally and physically. I may not go to the gym every day, but I walk a lot, especially during my tours, and I love outdoor activities that connect me to nature.
13. The last book you read? Self-Alignment - ways to adaptation and self-acceptance. It's about learning to slow down, let go of inner chaos, and embrace life with calm and clarity. This book serves as silent encouragement, not pushing me to become better, but to be more at peace with who I already am.
14. What is your favorite place in Mauritius? One of my favorite places in Mauritius is the Central Market in Port-Louis. It's a vibrant mix of colors, smells, sounds — and life itself. From fresh produce and spices to handicrafts and street snacks, every corner tells a story. I love how it captures the true spirit of Mauritius: multicultural, warm, and full of character. It's where locals shop, tourists wander, and unexpected conversations happen. For me, it's not just a market — it's the heartbeat of the island.