Dans le feutré d'une cérémonie orchestrée à Huzhou, cité chinoise réputée pour ses soieries et ses traditions millénaires, Maurice écrit une nouvelle page de son rayonnement international. L'annonce, faite en ce mois d'octobre 2025, confirme ce que les chancelleries savent depuis longtemps : cette nation insulaire de 1,3 million d'âmes maîtrise l'art délicat de conjuguer développement économique et préservation patrimoniale.
Chamarel et Grande Rivière Sud-Est deviennent ainsi les sixième et septième villages mauriciens à recevoir cette distinction onusienne, après Le Morne – ce promontoire chargé de mémoire où résonnent encore les échos douloureux de l'esclavage –, Vieux Grand Port, théâtre de la première implantation hollandaise au XVIIe siècle, Roches Noires, Grand Baie, et leurs prédécesseurs. Un palmarès qui n'est pas le fruit du hasard, mais bien celui d'une stratégie délibérée, pensée de longue date par les autorités mauriciennes.
« C'est une grande fierté et un immense honneur pour le pays », a déclaré Richard Duval, ministre du Tourisme, dont les propos traduisent une satisfaction mêlée de lucidité. « Toutes mes félicitations aux dirigeants locaux, aux conseillers et aux habitants bien sûr ! » Car derrière ces lauriers se profile une réalité plus prosaïque : dans un monde où le tourisme de masse menace jusqu'aux sites les plus préservés, Maurice a fait le pari audacieux de la qualité plutôt que de la quantité.
Grande Rivière Sud-Est
Un positionnement stratégique assumé
Cette reconnaissance s'inscrit dans un contexte géopolitique particulier. Alors que les Seychelles et les Maldives misent sur le luxe exclusif, que La Réunion capitalise sur son appartenance française, Maurice cultive savamment une troisième voie : celle du tourisme authentique, ancré dans ses terroirs. Chamarel, avec ses terres polychromes qui défient les lois de la géologie, et Grande Rivière Sud-Est, où les dernières forêts primaires abritent une faune endémique, incarnent cette philosophie.
L'initiative de l'OMT, lancée en 2021, vise à promouvoir le rôle du tourisme dans la revitalisation des zones rurales et la préservation du patrimoine. En quatre éditions, seulement 260 villages dans le monde ont été distingués. Que Maurice en compte désormais six témoigne d'une cohérence remarquable dans sa politique d'aménagement du territoire.
Les enjeux d'une stratégie de long terme
Pour l'île Maurice, dont le tourisme représente près de 25% du PIB et emploie directement ou indirectement un Mauricien sur cinq, ces distinctions constituent bien davantage qu'un trophée diplomatique. Elles signalent aux voyageurs avertis, à cette clientèle internationale exigeante qui privilégie l'expérience à l'ostentation, que Maurice demeure une destination de choix. Dans un secteur où la réputation se construit sur des décennies et peut se perdre en quelques saisons, ce label agit comme un sceau de garantie.
Plus encore, ces reconnaissances onusiennes permettent à Maurice de se distinguer dans l'océan Indien, région où la concurrence s'intensifie. Madagascar développe son écotourisme, les Comores tentent de percer, Mayotte profite de son statut de département français. Face à ces rivaux, l'île Maurice joue la carte de l'excellence reconnue et certifiée.
La cérémonie de Huzhou résonne ainsi comme un rappel salutaire : dans la mondialisation touristique, les petites nations peuvent tracer leur sillon pour peu qu'elles cultivent leur singularité avec intelligence et constance.