Le 2 novembre marque à Maurice la commémoration annuelle de l'arrivée des premiers travailleurs engagés, un événement historique qui a profondément transformé le visage économique et démographique de l'île.
L'arrivée du navire Atlas
Le 2 novembre 1834, le navire Atlas accoste à Port-Louis après six semaines de traversée depuis Calcutta. À son bord, 36 travailleurs indiens de la caste des Dhangar, originaires des collines du Bihar. Ces premiers migrants, employés par la société Hunter-Arbuthnot & Company, sont affectés aux plantations sucrières de Belle Alliance et d'Antoinette, dans le district de Rivière-du-Rempar.
Cette arrivée intervient dans le contexte de l'abolition de l'esclavage par l'Empire britannique en 1833. Face à la nécessité de remplacer la main-d'œuvre servile dans les plantations sucrières, colonne vertébrale de l'économie mauricienne, le gouvernement britannique met en place ce qu'il nomme « la grande expérience » : le recrutement de travailleurs libres sous contrat.
Un système d'engagisme à grande échelle
Entre 1834 et 1920, 462 000 travailleurs engagés transitent par Maurice. Ils proviennent majoritairement d'Inde, mais aussi de Chine, de Madagascar, d'Afrique orientale et d'Asie du Sud-Est. Nombre d'entre eux sont ensuite transférés vers l'île de La Réunion, l'Australie, l'Afrique australe et orientale ou les Caraïbes.
Les conditions d'emploi sont strictement encadrées : contrats de cinq ans, salaire mensuel de 5 à 6 roupies, avec des déductions pour le coût du voyage. Les travailleurs doivent œuvrer six jours par semaine, du lever au coucher du soleil, et sont théoriquement libres de pratiquer leur religion⁸. Toutefois, les historiens soulignent que les conditions de vie demeurent particulièrement éprouvantes, avec des paiements irréguliers, des rations alimentaires restreintes et des sanctions sévères⁹.
L'Aapravasi Ghat, lieu de mémoire
L'ancien dépôt d'immigration, rebaptisé Aapravasi Ghat en 1989, constitue le principal vestige matériel de cette période. Situé dans le bassin de Trou Fanfaron à Port-Louis, ce site de 1 640 m² a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO le 12 juillet 2006. Seuls 30 % environ des structures originelles subsistent aujourd'hui.
En 2014, à l'occasion du 180ᵉ anniversaire de l'arrivée des travailleurs engagés, un centre d'interprétation portant le nom du journaliste Beekrumsing Ramlallah a été inauguré sur le site. Ce lieu retrace, à travers six sections thématiques et l'utilisation de technologies modernes, l'histoire de cette migration qui a profondément marqué Maurice et le monde.
Une commémoration nationale
Chaque année, le 2 novembre est célébré comme jour férié national. Des cérémonies officielles se déroulent à l'Aapravasi Ghat, en présence des autorités gouvernementales. Des gerbes sont déposées en hommage aux travailleurs engagés, et des prières hindoues résonnent sur le site.
Cette commémoration revêt une importance particulière dans une île où 68 % de la population actuelle est d'origine indienne. Elle témoigne de la reconnaissance d'une nation envers ceux qui ont contribué à son développement économique et culturel, tout en rappelant les épreuves traversées par ces migrants qui n'ont souvent jamais pu retourner dans leur pays d'origine.