L'annonce a de quoi surprendre dans cette île de l'océan Indien, davantage réputée pour ses plages paradisiaques et sa canne à sucre que pour ses terroirs viticoles. Pourtant, c'est bien un projet d'envergure qui a été officiellement lancé le 15 septembre, en présence du ministre mauricien de l'Agro-industrie, Dr Arvin Boolell, et des experts français du projet.
Un terroir tropical aux conditions inédites
L'initiative repose sur des fondements scientifiques solides. Les travaux du géologue français Yves Hérody et du climatologue Benjamin Bois ont révélé un atout méconnu de l'île : les sols, chaulés pendant des décennies pour la culture de la canne à sucre, offrent aujourd'hui des conditions géochimiques favorables à la viticulture de qualité.
"Nos analyses montrent que certaines parcelles chaulées offrent des conditions inédites pour la vigne en climat tropical", explique Yves Hérody, qui accompagnera le projet dans sa dimension technique.
Le vignoble s'étendra sur 15 hectares, avec une plantation de 75 000 pieds prévue en plusieurs phases d'ici 2029. Les cépages sélectionnés - Chenin Blanc, Touriga Nacional et Cabernet Franc dans un premier temps - ont été choisis pour leur adaptation au climat tropical.
Le ministre de l'Agriculture, Arvin Boolell mettant la main à la pâte
L'expertise bourguignonne au service de l'innovation
Pour mener à bien cette aventure, Agrïa s'est associée à Étienne Bizouard de Montille, vigneron bourguignon propriétaire du Domaine de Montille et d'autres domaines en Californie et au Japon. Une collaboration qui illustre la volonté de Maurice de s'appuyer sur l'excellence française pour développer ses nouvelles filières agricoles.
"Planter une vigne à Maurice tient autant du rêve que d'un défi technique passionnant", confie le vigneron bourguignon. "Notre ambition est de faire de cette vigne le premier vignoble tropical au monde cultivé en agriculture biologique."
L'objectif affiché est ambitieux : produire 80 000 bouteilles par an de vins blancs, rosés et rouges, destinées prioritairement au marché local avant une ouverture progressive vers l'export sur des marchés de niche.
Une stratégie de diversification économique
Cette initiative s'inscrit dans une démarche plus large de diversification agricole menée par ER Group, né de la fusion des groupes ENL et Rogers, deux piliers historiques de l'économie mauricienne. Après l'ananas, le café, l'apiculture et le rhum artisanal de Chamarel, la vigne représente une nouvelle étape dans cette stratégie de montée en gamme.
"Avec ce vignoble, Maurice entre dans une nouvelle ère agricole et touristique", souligne Philippe Espitalier-Noël, Chairman d'Agrïa et CEO d'ER Group. "Notre ambition est de bâtir des filières agricoles de qualité, enracinées dans l'identité mauricienne et capables de rayonner à l'international."
Des retombées multiples attendues
Au-delà de l'aspect économique, le projet porte des ambitions sociales et territoriales importantes. Dans une région où le chômage reste relativement élevé, le vignoble devrait créer des emplois à chaque étape, de l'entretien des vignes aux vendanges manuelles, puis à la vinification.
L'impact touristique n'est pas négligeable non plus. Le vignoble enrichira l'offre du sud-ouest mauricien avec une expérience œnotouristique inédite, contribuant à diversifier l'attractivité de l'île au-delà de ses atouts balnéaires traditionnels.
Un positionnement sur les marchés haut de gamme
Première récolte prévue en 2028, première cuvée espérée pour 2029 : le calendrier est serré mais réaliste selon les porteurs du projet. La vinification sera conduite sur place, dans une cuverie implantée à Bel Ombre, permettant de maîtriser l'ensemble de la chaîne de production tout en réduisant l'empreinte carbone.
Ce projet illustre la volonté de Maurice de se positionner sur des marchés à haute valeur ajoutée, dans une logique de montée en gamme de son économie. Pour cette île qui cherche à réduire sa dépendance aux importations et à diversifier ses sources de revenus, l'aventure viticole représente un pari sur l'avenir, mêlant innovation agricole, expertise internationale et valorisation du terroir local.
Reste à savoir si les consommateurs, locaux et internationaux, sauront apprécier ces futurs crus tropicaux. Rendez-vous dans quelques années pour la dégustation.