Un redémarrage foudroyant post-Covid
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : après l'effondrement de 2020-2021, le secteur touristique mauricien a connu une résurrection spectaculaire avec un taux de croissance de 250,7% en 2022, soit près de trente fois supérieur à celui du PIB national (+8,7%). Cette performance exceptionnelle s'explique par l'effet de rattrapage consécutif à la réouverture des frontières, mais aussi par une stratégie de repositionnement réussie de la destination.
"La reprise soutenue du nombre d'arrivées touristiques constitue un moteur fondamental de cette performance", souligne le rapport. Avec 1,38 million de visiteurs en 2024, l'île retrouve ses niveaux de fréquentation de 2019, effaçant définitivement les stigmates de la crise sanitaire.
Une création de valeur en constante progression
La valeur ajoutée brute du secteur témoigne de cette dynamique ascendante : de 37 milliards de roupies en 2022, elle bondit à 46,5 milliards en 2023, puis 51,6 milliards en 2024, avec une prévision de 53,8 milliards pour 2025. Cette trajectoire révèle une transformation qualitative de l'offre touristique mauricienne, au-delà de la simple récupération des volumes.
Les recettes touristiques suivent la même courbe exponentielle : après avoir chuté à 15,3 milliards de roupies en 2021, elles explosent à 64,8 milliards en 2022, culminent à 86 milliards en 2023, avant de se stabiliser à 83,6 milliards en 2024. Cette légère inflexion récente suggère une normalisation du marché après la phase de rattrapage.
Un touriste qui dépense plus mais reste moins longtemps
L'analyse comportementale révèle des mutations intéressantes. Les dépenses moyennes par touriste atteignent désormais 68 800 roupies par séjour, soit une progression de 48% par rapport à 2018. Paradoxalement, la durée moyenne du séjour s'est contractée, passant de 14,7 jours en 2021 à 11,4 jours en 2024.
Cette évolution traduit l'émergence d'un nouveau profil de visiteurs : plus aisés financièrement mais disposant de moins de temps, privilégiant l'intensité de l'expérience à sa durée. Un phénomène qui s'observe dans de nombreuses destinations haut de gamme à l'échelle mondiale.
Des défis logistiques à relever
Malgré ces performances encourageantes, des goulots d'étranglement persistent. La croissance du secteur aérien et maritime peine à suivre le rythme : avec 47 navires ayant accosté à Port-Louis en 2023-2024, soit une progression limitée, l'île doit renforcer ses infrastructures d'accueil.
Le gouvernement semble avoir pris la mesure de ces enjeux. Le Budget 2025-2026 marque une relance dynamique du secteur avec une vision à long terme axée sur le développement durable et la diversification de l'offre. L'accent sera mis sur l'amélioration de la connectivité aérienne et maritime, ainsi que sur la valorisation du patrimoine naturel et culturel.
Vers une montée en gamme assumée
La stratégie mauricienne s'oriente résolument vers le segment premium. Avec une clientèle qui dépense en moyenne 6 800 roupies par nuit, l'île mise sur la qualité plutôt que sur la quantité. Cette approche sélective permet de maximiser les retombées économiques tout en préservant l'environnement insulaire fragile.
Les projections pour 2025 témoignent d'une maturité retrouvée : un taux de croissance prévu de 0,7%, certes modeste, mais qui traduit une stabilisation à un niveau élevé. Le secteur semble désormais entrer dans une phase de consolidation après trois années de croissance effrénée.
Un modèle pour l'océan Indien
Cette renaissance touristique place Maurice en position de référence dans l'océan Indien. L'île démontre qu'une stratégie de niche, combinant excellence du service et préservation environnementale, peut générer des retombées économiques substantielles même sur un territoire restreint.
Alors que le secteur représente désormais une part croissante du PIB mauricien, la question de la diversification économique reste posée. Car si le tourisme constitue aujourd'hui un formidable levier de croissance, la dépendance à ce secteur volatile pourrait fragiliser l'économie en cas de nouveau choc externe. Un défi que les autorités mauriciennes devront intégrer dans leur stratégie de développement à long terme.