Enseignante le jour, artiste la nuit. Depuis vingt ans, Véronique Christine-Laurent jongle entre sa classe d'Art & Design au collège Saint Mary's de Rose-Hill et son atelier de peinture. Cette battante issue d'un milieu modeste, titulaire d'une licence en Fine Arts, a transformé sa passion artistique en double carrière. Cette artiste mauricienne capte l'essence de son île en couleurs vibrantes
« Je ne baisse jamais les bras », affirme cette mère de deux enfants.Sa peinture, reconnaissable entre mille, puise dans le patrimoine culturel mauricien. Porteuses de sel, coupeuses de cannes à sucre, pêcheurs ou danseuses de séga peuplent ses compositions vibrantes où l'héritage multiculturel de l'île s'exprime pleinement. « Je raconte leurs histoires », explique simplement celle dont les œuvres ont voyagé jusqu'aux Seychelles et orné le décor du film Resort to Love.
Inspirée par le « Kiss » de Klimt pour ses couleurs et motifs, elle a fondé en 2012 la plateforme Kuler Baz'Art pour diffuser ses créations, des tableaux aux designs personnalisés. Malgré un marché de l'art local limité et des journées surchargées, elle trouve refuge dans ses pinceaux : « C'est comme une thérapie, une porte vers l'imaginaire ».
Son ambition ? Être reconnue comme entrepreneure et ouvrir un pop-up store collaboratif. Son conseil aux jeunes artistes face aux difficultés : « Tout ce que l'on fait avec cœur et amour finit toujours par triompher. ». Dans un pays où la culture de l'art peine encore à s'enraciner, Véronique Christine-Laurent incarne la résilience et l'inventivité.
Si vous deviez vous présenter, que diriez-vous?
Je suis Véronique Christine-Laurent. Je suis enseignante d'Art & Design au collège Saint Mary's à Rose-Hill. Je suis artiste peintre depuis une vingtaine d'années. Je suis mariée et mère de deux enfants. Je suis détentrice d'une licence en Fine Arts avec une spécialisation en peinture et aussi un Post Graduate Certificate en Education. Un mot pour me décrire c'est que je suis une battante. Je ne baisse pas les bras facilement. Je trouve toujours une solution à toutes épreuves. Mon optimisme me donne le courage et la force de persévérer et d'aller plus loin.
Y a-t-il eu un moment décisif où vous avez décidé de suivre votre voie en tant qu'artiste?
Au fait, après mes études au secondaire, j'ai dû travailler afin d'économiser pour payer mes études tertiaires. Je viens d'une famille modeste. C'était très difficile pour mes parents de financer mes études. Donc, j'ai travaillé dans un bureau mais je sentais que rester entre quatre murs pendant une journée ce n'était pas ma tasse de thé. Je pense que c'est là qu'a commencé mon histoire avec l'art. Alors, j'ai opté d'aller vers ce domaine. À ma demande à l'université j'ai dû choisir entre le Français et l'art. Mais je savais qu'être artiste à plein temps et de vivre de sa passion serait difficile. Donc j'ai fait une licence qui m'a conduite à l'enseignement. J'en ai fait ma passion un métier.
J'ai eu l'occasion aussi de pouvoir exposer un de mes tableaux pour le décor du film Resort to Love et participé à plusieurs événements.
Online Exhibition with international artists / Rotary Club – 2021
Online exhibition 'Covid 19' – May 2020
Online international exhibition "Third Eye Artist's Group" – April 2020
Joint exhibition on women day - "NOU" March 2020
Group Exhibition at Gallery Tamaris - 2019
Joint exhibition at le Hub – December 2018
Artworks exhibited on Mauritius Arts online Platform
Various artworks are exhibited in the Art gallery.
Salon D'été (SSR Art Gallery Municipality of Quatre-Bornes)
Exhibition organised by the National Art Gallery à la Citadelle
Group exhibition at Port Louis Museum - No titles
Art painting selected to represent Mauritius in Seychelles Island
Joint exhibition (Partage) at Alliance Française
Exhibition Salon De Mai
Portraitist at le Caudan waterfront
Pouvez-vous nous parler du processus de création de vos œuvres?
Je passe beaucoup de temps à gribouiller mes idées sur du papier. Je m'inspire de la nature, les gens locaux, les animaux et tout ce qui m'interpelle. En bref, la vie. À chaque sortie quand je trouve quelque chose qui retient mon attention, je prends toujours quelques clichés que je peaufine par la suite. Puis les idées vont prendre une autre dimension sur mon support. Ça peut être le canvas, le bois et du métal. Je ne sais jamais quel serait le résultat de mes recherches. Entre le croquis et le travail fini quelquefois il y a une différence. Tout simplement mes croquis sont des idées directives. Ils me montrent si je dois aller de l'avant ou pas. Quand j'ai le support devant moi c'est là où commence le voyage.
La réalisation d'un tableau peut prendre du temps si je n'atteins pas la satisfaction. Des fois je le laisse de côté pour y revenir dans quelques semaines. Dans d'autres situations, je recommence à zéro. Un tableau est complet pour moi quand je suis contente de la réalisation et surtout quand je sens que la satisfaction est au rendez-vous.
Pour quelle œuvre d'art aimeriez-vous que l'on se souvienne de vous?
Jusqu'à présent j'ai réalisé beaucoup de tableaux mais le seul qui m'a inspirée sur le coup. C'est comme avoir eu un coup de foudre. Il m'a fait vibrer et la réalisation a été faite comme en un clin d'œil. Au fait l'inspiration m'est venue lors d'un passage à l'île Rodrigues. Comme on dit, pas besoin de chercher loin pour trouver le bonheur. C'étaient les gens qui attendaient leur tour pour acheter de l'eau de coco. C'était vraiment typique de voir les gens tout en couleur avec leur tente bazar et le parfum qui en émanait. C'était une source d'inspiration et je savais que je devais peindre cette scène. À mon retour, je me suis laissée aller et je dirais que c'est le tableau qui m'a trouvée. D'ailleurs le tableau s'est vite trouvé une maison pour s'installer et j'ai eu l'occasion de rencontrer l'acquéreur. J'ai été vraiment touchée d'entendre que le tableau la faisait rêver aussi et elle en a eu beaucoup d'appréciations de ses invités.
Comment définiriez-vous la beauté?
La beauté c'est tout ce qui m'entoure. La beauté de la nature et les gens que je côtoie ou qui m'inspirent. Je ne me limite pas à la beauté physique parce que c'est que du passage et éphémère. D'ailleurs la beauté physique ça peut berner et conduire à une perception superficielle, vers un monde superflu et sans valeur. La beauté je la trouve dans la simplicité de la vie. Le lien qui m'unit à mes enfants et ma famille c'est la beauté.
Avez-vous une photographie ou une peinture préférée qui vous inspire?
C'est le tableau 'The Kiss' de Gustav Klimt qui m'a toujours inspirée. J'apprécie beaucoup les couleurs, le sujet, la composition et surtout les motifs. Dans cette œuvre il y a beaucoup d'émotion et d'érotisme. C'est pour cela que dans mes tableaux vous pouvez voir les coups de pinceaux et les touches de couleurs, tantôt des petites touches tantôt des grosses touches.
Quel est votre plus grand plaisir dans la vie?
Je ne peux pas me dissocier de mes enfants, le voyage et ma passion. Mon plaisir c'est d'être avec mes enfants et ma famille. J'aime bien passer de bons moments avec eux parce que les enfants grandissent mais il y aura toujours les souvenirs. J'aime aussi voyager, aller à la découverte de nouveaux horizons, voir les autres perspectives de la vie et la culture. Puis bien évidemment c'est de peindre.
Quel artiste (Mauricien ou étranger) du passé aimeriez-vous rencontrer?
Une artiste du passé que j'aurais aimé rencontrer c'est Frida Kahlo. J'apprécie énormément ses tableaux expressifs et remplis d'histoire et d'émotion. Cette artiste a été courageuse et a représenté l'image de la femme battante. Sinon j'aimerais rencontrer Chantal Poulin Durocher qui est une artiste québécoise. Elle me donne l'envie de peindre. Avec ses œuvres elle cherche à sensibiliser l'homme à sa relation avec l'environnement. Les sujets qu'elle traite poussent à la réflexion sur nos actions envers les animaux et la nature.
Interagissez-vous avec le monde numérique/la technologie dans votre travail?
La technologie fait partie intégrante lors de mes créations. Pour faciliter les choses, je peaufine les prises et mes croquis pour travailler sur la composition et une balance dans l'harmonie des couleurs. Afin d'être plus visible et accessible au public j'ai un catalogue numérique avec toutes mes œuvres que je présente souvent à mes clients et d'ailleurs sur les réseaux sociaux avec ma page Kuler Baz'Art sur Facebook et Instagram. Je dirais pendant et après le confinement les plateformes telles que WhatsApp, Zoom ont facilité les échanges entre les artistes et d'autres événements tels que des expositions en ligne ont pu avoir lieu. L'apport de la technologie aide dans mon travail et aussi à être plus visible et d'emblée m'aider à traverser les moments difficiles.
Avez-vous déjà eu un moment où vous avez entièrement remis en question votre carrière?
Au début de ma carrière d'artiste il m'est déjà arrivé de faire une remise en question. La raison c'est que le marché de l'art est très difficile. Les gens ne savent pas encore comment apprécier une œuvre et on n'a pas vraiment une culture d'art à Maurice. Ce qui veut dire un tableau ou autre objet d'art ont très peu de valeur. J'ai observé que les gens aiment regarder le côté esthétique mais ils préfèrent acheter une copie ou des canvas imprimés. Le travail que je fais en tant qu'artiste n'est pas assez valorisé. De l'autre côté, le gouvernement n'investit pas assez sur l'art. Le budget annuel est très limité. C'est alors que l'idée de changer de domaine m'a traversé l'esprit.
Quelle est votre galerie d'art préférée à Maurice ou ailleurs et pourquoi?
Malheureusement à Maurice je ne peux pas parler de galerie d'art car il y en a peu. Peut-être dans un proche avenir si le gouvernement prend l'initiative de regrouper les artistes et de faire un travail dans le but de conscientiser la société sur l'importance de l'art. Aussi d'encourager et de valoriser des artistes mauriciens. Il y a tellement de projets où les artistes peuvent apporter leurs contributions. Malheureusement on est laissés sur la touche. Par contre je suis fascinée par le musée du Louvre avec sa grande collection de tableaux de grands maîtres de la peinture (classique, impressionnisme et moderne), des sculpteurs qui ont façonné des œuvres magnifiques.
Pourquoi faites-vous et recevez-vous des visites en studio?
Mon studio c'est le lieu où je réalise mes œuvres. En général je ne reçois pas de visite sauf à la demande du client. Sinon je participe régulièrement à des marchés tels que Meet The Makers et j'expose aussi dans des hôtels. Ma page Facebook Kuler Baz'Art est ma galerie virtuelle où le public peut voir et réagir sur mes œuvres.
Quelle est votre routine quotidienne lorsque vous travaillez?
Ma journée est très chargée. J'accomplis beaucoup de tâches, comme s'occuper de mes deux filles, faire le ménage et partir au boulot. Généralement ce n'est que le soir que je peins et que je peux me laisser aller à la réalisation de mes œuvres. Ou sinon quand les enfants ne sont pas à la maison. À ce moment je peins tôt le matin. C'est beaucoup mieux avec la lumière du jour. Première chose je m'isole et je libère mon esprit pour que je puisse entrer dans mon monde. C'est primordial pour moi, sinon je ne serais pas à l'aise et l'inspiration et le mood ne seraient pas au rendez-vous. Je décide de la dimension du support et je le prépare. Ensuite je choisis scrupuleusement mes couleurs. Quelquefois je peux prendre des heures pour trouver la bonne formule et les couleurs appropriées.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune artiste qui voudrait suivre vos pas?
Le conseil que je donnerais à un jeune c'est qu'il doit persévérer. Le marché de l'art avant la crise sanitaire était déjà difficile. Maintenant c'est un véritable parcours de combattant. Il faut toujours réfléchir, innover, s'inventer et faire fleurir les bonnes idées. Finalement tout ce qu'un jeune fait avec cœur et amour finit toujours par triompher.
Pourquoi aimez-vous ce que vous faites?
Quand je me mets à peindre je cherche une certaine fusion avec le sujet. C'est comme une conversation avec le tableau. Ça me libère et m'apaise aussi. Mes pinceaux, mes peintures et mon canvas c'est comme une thérapie. Une porte vers l'imaginaire. C'est pour cela que je peux passer de longues heures à peindre et ce jusqu'à fort tard la nuit. Même avec mon emploi du temps surchargé je trouve le temps pour ma passion.
Y a-t-il un avantage à être une femme artiste?
Je pense que oui il y a certainement des avantages à être une femme artiste. Première chose j'ai observé que de plus en plus il y a des plateformes telles que Women in Business Mauritius qui soutiennent les femmes artistes et entrepreneurs. Quand on pense à une femme artiste on pense aussitôt à une certaine sensibilité et subtilité. Les gens en général apprécient cette qualité. Il y a aussi la SMEDA qui donne des formations aux femmes pour les soutenir dans leur démarche.
Un compliment qui vous fait fondre?
Je ne suis pas habituée à recevoir des compliments sur mon physique ou je ne porte pas attention quand on me le fait. Je dirai que je me sens mal à l'aise face aux compliments. Donc un compliment qui me fait fondre, je ne sais pas trop. Peut-être ça vient de mon enfance. Mais quelque chose que j'apprécie ce sont des fleurs. Un bouquet c'est synonyme d'amour, d'affection ou une intention sincère.
À quel point l'île Maurice est une source d'inspiration pour vous?
L'île Maurice est mon île natale et je m'inspire de la nature, de notre culture et la diaspora mauricienne, et la flore et la faune. J'aime aussi la simplicité des choses. Par exemple je peins beaucoup les porteuses de sel, les coupeuses de cannes à sucre, les femmes pour valoriser le courage des femmes mauriciennes, les pêcheurs, les danseuses de séga et les paysages. C'est comme si je racontais leurs histoires. Je m'inspire aussi des événements vécus et de mes rencontres. Je dirai que de par mon environnement où le multiculturalisme prime je suis devenue une artiste polyvalente. Je travaille sur le bois, je peins sur du métal, je fais des designs sur les sacs et les pots en ciment.
Kuler Baz'Art
Kuler Baz'Art est une plateforme dédiée à l'art. Je réalise des tableaux de divers styles, des portraits, des caricatures traditionnelles et digitales, des fresques, des designs personnalisés sur des sacs et des meubles.
L'idée de tenter l'aventure et de mettre sur pied Kuler Baz'Art s'est imposée tout naturellement en 2012. Depuis j'ai participé à plusieurs marchés de l'art à travers l'île afin de faire découvrir mes réalisations au public. À ce jour, j'ai pu réaliser des projets tels que des décors, des fresques, des tableaux et des sculptures.
Cette plateforme a été créée pour mes tableaux parce qu'au fil des années la demande a augmenté et j'ai voulu qu'ils soient encore plus visibles. J'expose aussi à la galerie Tamaris à Rivière Noire. Avec le confinement et la pandémie, la vente a chuté. Mais heureusement ça reprend petit à petit. Je reçois beaucoup de demandes venant des autres artistes pour que j'expose leurs tableaux sur ma page. Mais pour le moment je me concentre sur mes œuvres. Je voudrais à l'avenir être reconnue aussi en tant que femme entrepreneur. J'ai en tête de créer un pop-up store avec d'autres artistes, un moyen de les aider à vendre leurs œuvres.