L'Aapravasi Ghat, ce lieu emblématique de l'histoire mauricienne qui vit débarquer près de 500.000 travailleurs engagés indiens entre 1834 et 1924, s'affirme désormais comme un catalyseur de développement pour l'île. Samedi dernier, dans le cadre des célébrations de la Journée du patrimoine mondial africain, de la Journée internationale des musées et de la Journée de l'Afrique, un colloque d'envergure s'est tenu au Centre d'interprétation Beekrumsing Ramlallah (BRIC) sous le thème « Patrimoine, Musées et Futurs africains : faire progresser le district du patrimoine culturel d'Aapravasi Ghat ».
Cette rencontre intellectuelle a rassemblé décideurs politiques, universitaires et artistes autour d'une réflexion commune : comment transformer un héritage douloureux en levier de progrès social et économique ? Un pari ambitieux pour ce site inscrit depuis 2006 au patrimoine mondial de l'UNESCO.
UN HÉRITAGE PORTEUR D'AVENIR
Dans son allocution, le ministre des Arts et de la Culture, M. Mahendra Gondeea, a souligné la dimension transformative du patrimoine : « L'Aapravasi Ghat dépasse largement la simple infrastructure ou la planification urbaine. Il représente un symbole puissant de sacrifice, d'incertitude et d'extraordinaire résilience », a-t-il déclaré. « Pour les descendants des travailleurs engagés, ce site est un pont entre passé et présent, un phare qui guide notre vision pour les générations futures. »
Cette vision s'inscrit dans l'approche du Paysage urbain historique préconisée par l'UNESCO, qui vise à revitaliser la zone tampon entourant le site du patrimoine mondial. L'organisation internationale a d'ailleurs exprimé son soutien ferme à la renaissance de plusieurs structures patrimoniales au sein de cette zone, notamment le Cerné Dock, le Grenier (Granary) et l'entrepôt de riz (Rice Store).
UN DISTRICT CULTUREL COMME LABORATOIRE URBAIN
Le développement du district du patrimoine culturel d'Aapravasi Ghat (AGCHD) représente une stratégie de revitalisation urbaine novatrice qui cherche à équilibrer préservation du patrimoine et exigences croissantes du développement urbain. Ce quartier capitalise sur le caractère patrimonial distinctif de Port-Louis, proposant une approche unique de développement urbain durable.
Le district englobe un ensemble dense d'atouts patrimoniaux significatifs situés dans la Zone tampon 1, parmi lesquels le site du patrimoine mondial d'Aapravasi Ghat, le BRIC, le futur Musée intercontinental de l'esclavage, le Cerné Dock, la Galerie nationale d'art, le Grenier et le Musée postal.
DES PROJETS CULTURELS STRUCTURANTS
Au-delà de la réflexion, le ministre Gondeea a détaillé plusieurs projets culturels majeurs actuellement en cours. Le Musée intercontinental de l'esclavage est en développement pour offrir un récit complet et transparent de l'esclavage et de l'engagisme à travers les continents. La phase II du Centre d'interprétation Beekrumsing Ramlallah est également en préparation, tandis que des plans pour une Galerie nationale d'art visent à valoriser la créativité mauricienne et à fournir aux artistes locaux une plateforme nationale d'expression.
Ce colloque s'inscrit dans une vision plus large visant à réimaginer le district culturel comme un paysage culturel vivant où mémoire, identité, créativité et connaissance se conjuguent pour façonner un avenir partagé et inclusif.
À l'heure où de nombreux sites patrimoniaux peinent à concilier conservation et développement, l'initiative mauricienne pourrait bien servir de modèle à d'autres sites historiques à travers le monde confrontés aux mêmes défis d'équilibre entre préservation de la mémoire et impératifs contemporains.