Il y a dans le parcours de Denis Gourdin quelque chose qui s'apparente à une quête. Celle d'un Mauricien qui n'a pas seulement exporté un savoir-faire, mais une philosophie : l'hospitalité comme art de vivre. Aujourd'hui installé à Abidjan où il dirige l'école Vatel, cet homme de 45 ans incarne parfaitement cette diaspora mauricienne qui, loin de ses lagons, contribue au rayonnement de l'île.
L'ADN mauricien de l'accueil
« Chez nous, l'hospitalité n'est pas un métier, c'est un état d'esprit », confie Denis Gourdin, dont les mots résonnent comme un manifeste. Né et grandi à Maurice, il a baigné dès l'enfance dans un environnement où le tourisme structure l'économie et façonne les mentalités. Cette imprégnation précoce forgera sa vocation. Ses premiers pas dans l'hôtellerie se font « par hasard », lors d'un job d'été chez Accor pendant ses études en France. Mais déjà, le jeune homme observe, apprend, comprend que ce secteur exige « plus que des compétences techniques : de la passion et du cœur ».
C'est pourtant vers la transmission que Denis Gourdin bifurque naturellement. Former des adultes d'abord, puis des jeunes. « Transmettre était ma véritable vocation », résume-t-il avec cette simplicité désarmante des évidences. Après avoir dirigé son propre centre de formation à Maurice et collaboré avec les plus grands groupes hôteliers de l'île – Beachcomber, Club Med –, il rejoint Vatel Mauritius après la pandémie. Un tournant décisif.
Le pari africain
Puis l'Afrique s'impose comme une évidence. D'abord la République Démocratique du Congo, où il est nommé Directeur Général de Vatel Kinshasa. « Ce fut un véritable parcours de combattant », reconnaît-il. Convaincre des parents sceptiques, s'adapter à une culture nouvelle, redonner confiance à des étudiants en quête d'avenir. Le succès sera au rendez-vous : sous sa direction, les premiers Bachelors congolais obtiennent leur diplôme et l'école renaît de ses cendres. En parallèle, il œuvre au développement de Vatel Brazzaville, au Congo voisin.
C'est en Côte d'Ivoire que Denis Gourdin va véritablement révéler son talent d'entrepreneur pédagogue. À Abidjan, ville bouillonnante et cosmopolite, fraîchement auréolée de son titre de championne d'Afrique de football, tout semble possible. Pourtant, la réalité rattrape vite l'enthousiasme. « Les métiers de l'hôtellerie étaient souvent mal perçus, considérés comme peu valorisants », explique-t-il. Il faudra redoubler d'efforts : tables rondes avec les directeurs généraux des grands hôtels, visites professionnelles, multiplication des rencontres avec les acteurs du secteur.
Bâtir des ponts
Parti de 26 étudiants, Denis Gourdin voit aujourd'hui Vatel Abidjan s'imposer progressivement. Le soutien du ministère du Tourisme, incarné par l'honorable Siandou Fofana, s'avère déterminant. Mais ce qui anime véritablement le directeur, ce sont ces instants fugaces et précieux : « Ces regards lumineux le jour de la rentrée, cette fierté des étudiants en recevant leur uniforme, ou encore leur émotion après leur premier stage, lorsqu'ils réalisent qu'ils sont devenus de vrais professionnels. »
« L'Afrique doit devenir actrice de sa propre hospitalité »
C'est sur sa vision du tourisme africain que Denis Gourdin se montre le plus passionné, presque militant. « L'avenir du tourisme en Afrique doit être pensé par et pour les Africains », martèle-t-il avec conviction. Pour lui, le continent ne peut plus se contenter d'être une destination exotique ou écologique aux yeux du monde. « L'Afrique doit devenir un acteur central de l'hospitalité mondiale », insiste-t-il.
Cette ambition passe, selon lui, par trois piliers essentiels. D'abord, la montée en compétences : former une génération de professionnels capables de rivaliser avec les plus grands acteurs internationaux. Ensuite, la création de standards d'excellence qui, loin de singer les modèles occidentaux, respectent et valorisent les identités locales. « Nous ne devons pas copier, mais créer notre propre modèle d'hospitalité », précise-t-il. Enfin, cultiver la fierté : celle d'une jeunesse africaine consciente de son potentiel et de la richesse de son patrimoine culturel.
« Quand je vois un étudiant de Vatel Abidjan briller à Nîmes, à Paris ou à Dubaï, je me dis que nous sommes sur la bonne voie », confie-t-il. Au-delà des parcours individuels, c'est toute une filière qu'il rêve de voir émerger : un tourisme africain pensé, structuré et dirigé par des Africains, capable de s'inscrire dans les standards mondiaux tout en préservant son authenticité. Un défi de taille, mais que Denis Gourdin aborde avec l'optimisme et la détermination qui le caractérisent.
Maurice, éternelle boussole
Dans cette aventure africaine, Maurice reste sa référence, son point d'ancrage. « Nous écrivons une histoire commune : celle d'une Afrique qui s'ouvre au monde, et d'une île Maurice qui, humblement, apporte son savoir-faire et son esprit d'accueil », résume-t-il. Cette complémentarité entre l'île et le continent africain n'est pas fortuite : elle repose sur des valeurs partagées d'hospitalité et d'ouverture.
En fin de compte, le parcours de Denis Gourdin raconte aussi l'histoire d'un retour aux sources. Un Mauricien qui a quitté son île « avec ses doutes et ses rêves » et qui a trouvé en Afrique une seconde maison. Une aventure humaine et professionnelle qui l'a transformé, dit-il, et dont il reste « à la fois fier et profondément reconnaissant ». L'excellence mauricienne, exportée avec générosité, au service d'une vision panafricaine de l'hospitalité.
Jean-Joseph Permal