Quand l'art de vivre francophone conquiert les palaces du bout du monde
Dans les eaux turquoise du Pacifique Sud, sur l'île privée de Ratua au Vanuatu, un Mauricien de 43 ans incarne aujourd'hui cette tradition d'excellence hôtelière qui fait la réputation de l'océan Indien. Emmanuel Elix, Directeur Général du Ratua Island Resort and Spa, illustre parfaitement cette diaspora de talents que l'île Maurice exporte aux quatre coins de la planète, portant avec elle cet art de l'accueil qui conjugue sophistication française et chaleur créole.
Depuis plus de deux décennies, cet ancien élève de l'École Hôtelière mauricienne a gravi tous les échelons des plus prestigieux groupes internationaux - Marriott, Accor, Starwood - de Melbourne à Bangkok, en passant par les capitales asiatiques. Une trajectoire qui témoigne de cette capacité remarquable des Mauriciens à s'épanouir dans l'industrie du luxe et de l'hospitalité, exportant un savoir-être unique, mélange d'héritage français et de convivialité tropicale.
Rencontre avec un homme qui, de la logistique touristique à Port-Louis aux suites présidentielles des palaces australiens, a fait de son parcours une ode à l'hospitalité mauricienne.
1. Pourquoi avoir choisi le tourisme ?
Ma passion pour le tourisme est née très tôt. Dès mon plus jeune âge, j'ai été fasciné par le monde de l'animation, mon père ayant lui-même été animateur touristique au début de sa carrière. On peut dire que le sens du service est inscrit dans mon ADN. J'étais également très inspiré par mon oncle Éric, qui travaillait pour Air Mauritius et voyageait constamment. Pour moi, c'était une évidence : c'était la voie que je souhaitais suivre après mes études secondaires.
2. En quoi consiste votre métier ?
Actuellement, j'occupe le poste de Directeur Général du Ratua Island Resort, un hôtel exclusif situé sur une île privée au Vanuatu. J'ai rejoint cette nouvelle aventure il y a quelques mois, dans le cadre d'un changement de direction. Ma mission principale est de transformer l'île pour qu'elle adopte un concept de durabilité dans tous ses aspects.
3. Quelle formation avez-vous suivie ?
Mon parcours de formation a débuté après la "Form V", que j'ai quittée pour suivre une formation initiale à l'École Hôtelière de l'île Maurice. Peu de temps après, je me suis expatrié en Australie, où j'ai obtenu un diplôme en "Event and Hospitality Management". Plus tard dans ma carrière, j'ai complété ma formation par des cours spécialisés en finance et en management hôtelier, proposés par le groupe Marriott en partenariat avec l'Université Harvard.
4. Quel a été votre parcours professionnel ?
'ai débuté ma carrière à l'île Maurice chez Mautourco, en tant que planificateur logistique. Mon passage au Club Med a ensuite été une véritable école de la vie. Une fois en Australie, j'ai rejoint le Windsor Hotel, où j'ai fait un apprentissage enrichissant en tant que chef cuisinier. Par la suite, j'ai intégré de grands groupes hôteliers comme Starwood, Marriott et Accor. Au sein de ce dernier, j'ai gravi les échelons, passant de chef à Directeur Régional "Food and Beverage". Après la pandémie, j'ai quitté l'Australie pour un poste de Directeur Régional Asie-Pacifique, toujours pour Accor. J'ai ensuite quitté le groupe pour devenir Directeur Régional pour l'une des familles les plus influentes de Thaïlande, supervisant leurs restaurants et leur pôle événementiel. Finalement, il y a quelques mois, on m'a approché pour prendre la direction de l'hôtel où je me trouve aujourd'hui.
 5. Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans l'exercice de votre métier ?
5. Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans l'exercice de votre métier ?
Le secteur de l'hôtellerie est un univers à part entière, très exigeant. La principale difficulté est parfois de maintenir une vie sociale active en dehors du travail, mais c'est un choix de carrière que je ne regrette absolument pas.
6. Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un qui voudrait embrasser une carrière dans votre spécialité ?
Si la passion et la volonté sont là, alors foncez ! Il faut parfois savoir prendre des risques calculés, le jeu en vaut vraiment la peine.
7. Pourquoi avoir choisi de vous expatrier ?
L'île Maurice est un pays magnifique et le sens de l'hospitalité fait partie de notre culture. Malheureusement, dans ce secteur, les salaires ne sont pas toujours à la hauteur des responsabilités et la compétition pour les postes de haut niveau est rude, car les opportunités sont plus rares.
8. Est-il facile de vivre et de travailler à l'étranger ? Comment s'est passée votre adaptation ?
J'ai passé les vingt dernières années à beaucoup voyager, donc je m'adapte très facilement aux nouveaux environnements. Avec les années, cela devient de plus en plus naturel. Cependant, ma famille et l'ambiance mauricienne me manquent toujours. Là où je suis en ce moment, l'adaptation est très simple car l'anglais et le français sont parlés partout, et leur créole local comporte de nombreux mots similaires au nôtre. Comme on dit, "Mo coma 1 ti creole ici" ! (Je suis comme un petit créole ici).
9. Quel est le sacrifice le plus important que vous avez dû faire pour vivre votre métier à l'étranger ?
Quitter mes proches, et tout particulièrement ma mère. Elle m'a toujours soutenu dans toutes mes entreprises et vivait un peu son rêve de voyage et d'aventure à travers moi. Malheureusement, je l'ai perdue alors que j'étais à l'étranger, et cela a été un choc terrible pour moi.
 10. Pourquoi est-ce que le savoir-faire mauricien s'exporte aussi bien ?
10. Pourquoi est-ce que le savoir-faire mauricien s'exporte aussi bien ?
Parce que le sens de l'accueil est inné chez nous. De plus, nous sommes naturellement bilingues et, surtout, "nous conne mette nissa" : nous savons créer une ambiance chaleureuse et mettre les gens à l'aise.
11. Reviendrez-vous partager votre expérience au pays ?
Absolument, à 100 % ! Si une offre intéressante se présente, je n'hésiterai pas. Mon rêve est de terminer ma carrière dans un bel hôtel à l'île Maurice.
12. Quelle a été votre plus grande satisfaction professionnelle ?
Je la vis actuellement. Être à la tête d'un hôtel où je peux laisser libre cours à toute ma créativité est une immense satisfaction.
13. Quel regard portez-vous sur l'industrie touristique mauricienne ?
Elle continuera de grandir, c'est une certitude. Comme partout dans le monde, elle saura évoluer et se réinventer.
 14. Si vous deviez choisir un slogan pour l'île Maurice ?
14. Si vous deviez choisir un slogan pour l'île Maurice ?
"Jack of all trades, master of all" (Polyvalente en tout, et maîtresse en tout). Cela reflète notre capacité à exceller dans de nombreux domaines.
15. Une bonne idée que l'on pourrait appliquer au monde du travail mauricien ?
N'ayez pas peur d'intégrer les dernières technologies. Elles ne remplaceront jamais le rapport humain, mais au contraire, elles peuvent nous libérer du temps pour renforcer justement ces connexions humaines si précieuses.
16. Quel conseil donnerez-vous à un jeune qui est intéressé par les métiers du tourisme ?
Le chemin peut être difficile, mais chaque obstacle surmonté vous fera progresser. Si vous sentez que c'est votre vocation, n'abandonnez jamais.
 17. Quel est votre but professionnel ultime ?
17. Quel est votre but professionnel ultime ?
Rentrer à Maurice et y finir ma carrière.
18. Qu'est-ce qui vous manque le plus de l'île Maurice ?
Ma famille, la convivialité mauricienne si unique et, bien sûr, la délicieuse cuisine de chez nous.
19. Auriez-vous pu atteindre votre plein potentiel si vous étiez resté à Maurice ?
Honnêtement, je ne le pense pas, malheureusement. Une exposition internationale est souvent nécessaire pour s'ouvrir l'esprit et gravir plus rapidement les échelons dans ce secteur.
20. Quel est le mot ou la phrase mauricienne qui vous fait garder le moral ?
"Amuser creole et mange are li". C'est une expression qui invite à profiter de la vie et à savourer les bons moments avec les siens. C'est un excellent rappel de ce qui compte vraiment.