Dans l'histoire de la pêche sportive mauricienne, certains noms s'inscrivent en lettres d'or. Celui de Maurice de Spéville figure incontestablement parmi les plus illustres. Capitaine de la première équipe mauricienne à avoir jamais remporté la Marlin World Cup, ce pionnier incarne une époque où l'île Maurice a su s'imposer sur la scène internationale d'une discipline alors dominée par les Anglo-Saxons.
Une victoire historique en 1991
C'était en 1991. Composée de Jean-Pierre Ravel, Maurice Bathfield, Gérard Wiehé et Maurice de Spéville, l'équipe mauricienne réalisait l'exploit face aux meilleures formations mondiales. « Nous avons ferré des poissons tous les jours et à la fin nous avons gagné la compétition très largement devant les autres », se souvient Maurice de Spéville dans ces colonnes d'archives. Une performance d'autant plus remarquable qu'elle demeure, trois décennies plus tard, unique dans les annales mauriciennes de cette compétition créée en 1985.
La Marlin World Cup occupe aujourd'hui une place de choix parmi les compétitions de référence de l'International Game Fishing Association (IGFA). Mais au début des années quatre-vingt-dix, l'épreuve n'en était qu'à ses balbutiements. Maurice de Spéville se souvient d'une organisation encore artisanale : « Au début;les choses n'étaient pas simples, comme se souvient Maurice de Spéville.
White Sand Tours, catalyseur d'une passion
L'aventure mauricienne dans la pêche au gros doit beaucoup à White Sand Tours, dont le directeur général de l'époque, Karl Braunecker, eut l'idée de lancer une compétition internationale de pêche au gros qui ferait courir à Maurice les meilleurs spécialistes mondiaux. C'est l'hôtel La Pirogue qui, au départ, servait de base logistique. Puis l'opérateur élargit progressivement son action, jusqu'à ce que le trophée soit commandé chez le célèbre bijoutier londonien Garrard's.
La compétition mauricienne ne décollera véritablement qu'avec l'arrivée d'Andrew Slome qui, fraîchement arrivé à La Pirogue, décida de prendre l'entière organisation du trophée à White Sand Tours. Au début des années quatre-vingt-dix, la compétition débuta et prit ses quartiers définitifs à l'Hôtel Club Centre de Pêche, avant de s'installer au Morne Anglers Club.
Des pointures mondiales en guest-stars
Avec une douzaine d'équipes au départ, la compétition connut des débuts difficiles mais, à partir de 1989, le nombre de participants augmenta sensiblement. En 1990, la Marlin World Cup prit véritablement son essor, notamment grâce à la présence de vedettes internationales. « Le fait que quelques grosses pointures, comme Maria Rosa Tomaini, détentrice du record du monde du marlin bleu avec une ligne de 130 lb, ou Tony Green ou encore des personnalités comme Jack Charlton participent à cette compétition lui a conféré une notoriété qui s'est trouvée consolidée par tout le sérieux qu'affichent les organisateurs », témoigne Maurice de Spéville.
Andrew Slome avait introduit en 1991 le marquage des participants, innovation saluée par la communauté des pêcheurs. « Quand on se retrouve, on a tellement de souvenirs à partager que pendant cinq jours on ne voit pas le temps passer », se souvient le capitaine victorieux. Le prize d'un million de dollars attira également de nombreux amateurs, installant durablement Maurice dans le calendrier des compétitions incontournables.
Un héritage durable
Parmi les innovations majeures introduites par Maurice de Spéville au fil des années, la décision d'adopter le système du « Tag and Release » s'est révélée déterminante pour l'avenir de la compétition. Cette pratique de conservation, qui consiste à relâcher les poissons après les avoir marqués, correspondait à une prise de conscience environnementale naissante dans le milieu de la pêche sportive.
Aujourd'hui, la Marlin World Cup fait son retour parmi les meilleures compétitions de l'IGFA. Pour Maurice, l'île doit cette reconnaissance à des pionniers comme Maurice de Spéville, qui surent conjuguer excellence sportive et respect de l'environnement. Un héritage qui continue d'attirer chaque année dans les eaux mauriciennes les meilleurs pêcheurs de la planète, en quête du marlins bleus, espadons et autres thons jaunes qui ont fait la réputation de l'archipel.
« C'est une bonne occasion pour tous les Mauriciens qui sont engagés dans cette activité de se retrouver une fois par an », conclue Maurice de Spéville, qui est devenu l'épine dorsale de la compétition dans le jury, qu'il préside désormais. Une philosophie qui, trente-quatre ans après sa victoire historique, résonne toujours comme un appel à préserver ce patrimoine sportif insulaire.
En 2008 et 2009, l'équipe des "Copains d'Abord", composée d'Hervé de Beize et de ses fils, parvint également à décrocher le Graal pour perpétuer la légende.