Dans le paysage en perpétuelle mutation des réseaux sociaux, certaines trajectoires défient les codes établis. Celle d'Émilie Grondin en est l'illustration parfaite. Cette Réunionnaise de trente-quelques années vient de décrocher la consécration ultime aux Influencers Awards Indian Ocean, remportant les deux prix principaux d'une cérémonie qui, pour la première fois cette année, réunissait Maurice, La Réunion et Madagascar. Une reconnaissance qui la propulsera à Cannes en 2026, symbole de l'émergence d'une économie de l'influence qui transcende désormais les frontières insulaires.
Du magazine Biba aux réseaux sociaux
« J'ai toujours été passionnée de création de contenu », confie Émilie Grondin, dont le parcours témoigne d'une époque où les frontières entre médias traditionnels et nouveaux se brouillent. Diplômée du monde de la presse et de la communication, elle a d'abord exercé comme journaliste au sein de la rédaction du magazine Biba à Paris, avant de se lancer dans l'entrepreneuriat avec une entreprise de e-commerce qu'elle revendra fin 2023.
C'est pourtant un projet sportif qui devait initialement occuper ses journées en 2024. Sélectionnée pour les championnats de France mid-amateurs de golf, elle s'apprêtait à s'entraîner quotidiennement. Mais le destin en a décidé autrement. « En janvier de cette année, j'ai commencé à créer du contenu lifestyle et food tous les jours », raconte-t-elle. Le déclic ? Une série intitulée « Sept jours Glow up post-fêtes » qui connaît un succès immédiat et attire l'attention des marques.
L'art du « tout ou rien »
« J'ai un tempérament "tout ou rien" », assume celle qui n'hésite pas à tout mettre de côté pour se consacrer entièrement à sa nouvelle passion. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en moins de huit mois, sa communauté Instagram explose, passant de 7 000 à près de 50 000 abonnés. Un public majoritairement féminin, âgé de 20 à 40 ans, qui suit religieusement ses conseils lifestyle, ses recettes et ses « tips de maman ».
Car c'est bien là que réside la force d'Émilie Grondin : elle incarne cette génération de « mamans trentenaires » qui jonglent entre carrière, maternité et quête d'épanouissement personnel. Ses contenus, mélange savant de recettes gourmandes, de conseils beauté et de réflexions sur la maternité, trouvent un écho particulier dans une société où l'authenticité prime sur la perfection.
La reconnaissance d'un métier méconnu
« Ces deux prix représentent énormément pour moi. J'ai encore des étoiles dans les yeux ! », s'enthousiasme la lauréate, qui y voit « la consécration d'un travail et d'une implication énorme ». Car derrière l'apparente légèreté des publications se cache une réalité moins glamour : « Ces dernières semaines, j'ai travaillé sans jour off ni week-ends. »
Elle dévoile l'envers du décor, cette "charge mentale énorme" qui l'habite jour et nuit : "On est vraiment en 'non stop', même la nuit, dès que j'ai une idée je me réveille pour la noter." Face aux préjugés qui réduisent son art à une succession hédoniste d'expériences luxueuses, elle revendique la complexité d'un métier naissant, souvent incompris.
L'océan Indien, nouveau territoire d'influence
La victoire d'Émilie Grondin aux Influencers Awards Indian Ocean révèle une mutation profonde du secteur. L'océan Indien, longtemps périphérique dans l'économie numérique mondiale, s'affirme désormais comme un territoire à part entière de l'influence. Cette première édition régionale, réunissant trois îles aux cultures distinctes mais aux problématiques communes, illustre la volonté de créer un écosystème digital propre à cette région du monde.
« Ce genre de cérémonies légitime et met en lumière le métier de créateur de contenu », observe Émilie Grondin, consciente que sa victoire dépasse sa seule personne. Elle porte désormais sur ses épaules les espoirs d'une génération d'influenceurs insulaires qui rêvent de reconnaissance internationale.
Rendez-vous est pris à Cannes en 2026, où cette ambassadrice de l'océan Indien viendra défendre les couleurs d'un territoire qui refuse désormais d'être considéré comme une périphérie du monde digital.