Les alizés du sud-est, ces vents constants qui ont bercé tant de navigateurs depuis Vasco de Gama, se font plus doux, presque caressants. Ils portent encore la fraîcheur des nuits d'hiver austral, mais déjà s'y mêlent les effluves sucrés des cannes qui s'éveillent et l'iode tiède des lagons qui retrouvent leur température de velours. Dans les hauteurs de Curepipe et de Rose-Hill, où la brume matinale s'attarde comme un regret de l'hiver, les habitants savourent encore ces dernières heures où l'on peut porter un châle sans ridicule.
Tout renaît, tout se prépare. Les frangipaniers bourgeonnent, les bougainvilliers explosent de couleurs nouvelles…
La symphonie des couleurs
Car c'est bien d'une renaissance qu'il s'agit. Dans les jardins botaniques de Pamplemousses, où repose l'âme de Pierre Poivre, ancien intendant des îles de France et de Bourbon, les nénuphars géants Victoria amazonica déploient leurs larges feuilles comme autant de parasols végétaux. Les flamboyants, ces arbres-brasiers qui donnent au paysage mauricien sa signature rouge orangé, commencent leur lente préparation à la floraison spectaculaire de décembre.
L'océan lui-même participe à cette transformation chromatique. Les lagons, d'un bleu encore timide en juillet-août, retrouvent peu à peu cette teinte turquoise électrique qui fait la réputation mondiale des cartes postales mauriciennes. C'est le moment où l'eau atteint la température parfaite.Ni trop froide, ni encore brûlante. Juste cette caresse liquide qui vous réconcilie avec l'idée du paradis.
Mais septembre mauricien n'est pas seulement transition climatique ; c'est aussi renaissance culturelle. Le séga, cette âme rythmée de l'île, retrouve, par exemple, ses accents les plus joyeux dans les soirées qui s'étirent à nouveau.
Car c'est peut-être cela, l'essence du septembre mauricien : cette capacité unique qu'a l'île de faire de chaque transition un art de vivre. Ici, pas de rupture brutale entre les saisons, mais un glissement harmonieux, une modulation en douceur qui rappelle que Maurice n'est pas seulement un territoire, mais un état d'âme.
Comme l'écrivait Malcolm de Chazal, ce poète mauricien trop méconnu : « L'île est un livre dont chaque page se tourne avec les saisons. » En septembre, Maurice entame un nouveau chapitre, celui de la lumière retrouvée.